Le Championnat de France, à Vannes, est le premier test sérieux. Nous remportons la compétition assez facilement, avec 19 de moyenne, devant nos amis de Véloce qui n’affichent qu’un « petit » 15,6. Mais nos sorties sont trop longues, la réalisation des blocs irrégulière. Toutefois, de très bons passages pendant les sauts nous donnent confiance. Nous savons à quoi doivent être consacrés les derniers jours d’entraînement. La compétition commence dans 15 jours.

A notre arrivée à Gera, nous sentons que cette semaine des Championnats du Monde sera nerveusement difficile à gérer. Dès les premiers jours, nous retrouvons l’ambiance fébrile de la compétition. Le visionnage des sauts d’évaluation, notamment de l’équipe belge Hayabusa, est assez impressionnant ; le niveau s’annonce très relevé. Nous pensons   aux aléas de la météo, aux attentes, parfois longues, mais aussi à l’enrichissement fabuleux que représente cette aventure dont nous avons tant rêvé. J’ai la curieuse sensation que je devais être là. Je suis déterminé à savourer chaque instant, de l’aboutissement de cette aventure pour laquelle nous avons, auparavant, fait tant de sacrifices. J’aime cette ambiance lors des compétitions internationales car toutes les équipes ressentent la même émotion, celle du dépassement de soi.

La météo est capricieuse, les attentes sont interminables, les appels à l’embarquement puis les annulations ou les « stands by » se multiplient. Les montées en avion jusqu’à 2000 mètres puis les redescentes, les « re-sauts », les « reresauts » seront le quotidien de ces dix jours de compétition. Nous avons, en plus, à supporter une certaine tension avec les membres de la DTN présents sur place, après des critiques dans Paramag au sujet du refus de la Fédération de prolonger mon statut de sportif de haut niveau. Nous avons tous la conviction que, comme souvent en compétition, c’est le mental qui fera la différence.

Malgré cela, la pression est bien gérée. Elle s’efface devant la volonté collective de faire de bons sauts, sans penser au résultat final. Nous voulons profiter pleinement de ces instants magiques, tout en étant conscients qu’avec si peu d’entraînement, il ne faut pas s’attendre à un miracle face à des équipes très entraînées et expérimentées. Avant chaque saut, chacun répète le programme ; les yeux fermés pour certains, les écouteurs d’un baladeur dans les oreilles pour d’autres. La compétition de haut niveau doit s’approcher prudemment, avec finesse, pour être maîtrisée. Elle reflète chaque personnalité, la sérénité ou l’agressivité, sans tricherie possible. C’est d’abord une lutte contre soi-même. Dans quelques instants chacun va puiser au fond de lui toute son énergie pour voler le plus vite possible en harmonie avec le groupe. C’est l’instant où le temps suspend son vol, celui où le présent est le plus présent. J’ai toujours aimé ce moment on l’on oublie l’enjeu, le contexte, pour s’enivrer de la perfection du geste.